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« Que peut donc nous offrir l’Occident ?
Nous libérer de quelque chose, c’est beaucoup, mais ce n’est pas suffisant, mais c’est bien moins que d’être libre pour quelque chose »

Czesław Miłosz, La Pensée captive

 

« La fin de la guerre [mondiale] n’a pas apporté la libération aux Polonais. Dans cette triste Europe centrale elle signifiait seulement l’échange d’une nuit contre une autre, celle des bourreaux de Hitler contre celle de Staline. » Ces propos de Witold Gombrowicz, écrivain et dramaturge polonais reflètent une réalité vécue. Terreur, angoisse, manque de liberté, répressions politiques, fardeau d’une industrialisation à la soviétique, présence des troupes soviétiques sur le territoire de divers pays, atomisation de la société. « Yalta » restera pour toujours pour les sociétés est-européennes le symbole de la « trahison » de l’Occident, qui abandonna cette partie du continent au joug communiste et à la domination soviétique. Mais que savait-on alors des réalités de ces sociétés est- européennes en Occident ? Que voulait-on savoir ?

Alors que les communistes occidentaux et les hommes de gauche en général chérissaient aveuglement ou naïvement l’image du communisme comme une forme d’émancipation sociale et humaine et occultaient la dimension criminelle de ce système, l’anticommunisme des milieux de droite amenait à enfermer la population dans la « peur des Rouges », en partie comme conséquence d’une indifférence au sort des autres.

Et pourtant, à l’Est, la résistance contre le régime communiste continuait, les mouvements de contestations se poursuivaient : Berlin – 1953, Budapest et Poznan – 1956, Printemps de Prague – 1968, révolte des ouvriers polonais – 1970 et 1976. Contestations brutalement réprimées. Les interventions militaires soviétiques en Hongrie et en Tchécoslovaquie embrouillèrent les certitudes de certains et le choc éveilla la conscience de quelques milieux en Occident. Il fallu la parution de l’Archipel du Goulag de Soljenitsyne, pour qu’il y ait une véritable prise de conscience de la réalité du régime communiste.

Deux Europes, mais aussi deux mémoires européennes… Le mur qui partage les sociétés européennes n’est pas seulement politique ou stratégique, c’est avant tout un mur mental et moral, un mur qui détruit les relations interhumaines, un mur qui se construit aussi à l’intérieur des sociétés est-européennes, de plus en plus atomisées. Peut-on détruire ces murs qui séparent, qui divisent ?

 

 

 

«Murs» est en quelque sorte un mini-oratorium sur les limites de l’individu, des limites de toutes sortes – du politique à l’existentiel, du social à l’individuel – contenues dans la nature même de l’homme ». – c’est ainsi que Kaczmarski décrit le programme.
Dans « Murs », Kaczmarski a utilisé la mélodie et les paroles du chanteur catalan Lluís Llach Grande, mais a décidé d’apporter des changements significatifs au texte par rapport à l’original : dans la chanson espagnole, le refrain appelle à une secousse collective et au renversement du pieu auquel les esclaves sont enchaînés.
La version de Kaczmarski, en revanche, parle d’une foule appelant à la démolition des murs et à leur renaissance, vue seulement par un chanteur isolé. Le chanteur, bien qu’il appelle lui-même au renversement des murs et qu’il inspire un mouvement de masse, ne devient pas un leader, ne se joint pas à la foule. La chanson est un avertissement, comme les autres textes de Kaczmarski, elle accentue le danger de suivre sans réfléchir un slogan accrocheur. Il se termine par deux lignes inquiétantes: « et les murs grandissaient, grandissaient, grandissaient, la chaîne se balançait à leurs pieds ». C’est ainsi que se présente le texte de la chanson, tandis que dans sa réception par les militants du mouvement Solidarité naissant, la phrase sonore « arrachez les murs avec vos barres de dents, brisez les chaînes, brisez le fouet » est devenue un refrain convaincant
que le renversement du régime apporterait en lui-même la liberté désirée. Pendant la loi martiale, surtout parmi les jeunes, un sentiment de communauté est né de l’esprit d’opposition à la réalité grise et hypocrite de la Pologne communiste. La chanson Mury a permis de crier cette opposition. Diffusée sur Radio Free Europe, Mury (Murs) a continué à se répandre jusqu’à la fin des années 1980, copiée sur des cassettes et chantée par des militants de l’opposition, des participants à des rassemblements et des adolescents rebelles.

Il était jeune et inspiré, eux une innombrable foule
Il leur donnait la force en chantant que l'aube est toute proche.
Ils allumèrent mille bougies pour lui, fumantes au-dessus des têtes,
Il chantait qu'il est temps que le mur tombe…
Ils chantaient avec lui:

Arrache aux murs les dents des barreaux!
Brise les chaînes, casse le fouet!
Et les murs vont tomber, tomber, tomber
Et ensevelir le vieux monde!

Arrache aux murs les dents des barreaux!
Brise les chaînes, casse le fouet!
Et les murs vont tomber, tomber, tomber
Et ensevelir le vieux monde!